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Journal d'à ras-bord

4 novembre 2013

TRAGEDIE

–     Il faut laisser aller le moment, le pousser jusqu’à sa pire extrémité. La tragédie est douloureuse parce qu’elle est sans appel. Au moment de la mort, personne ne pourra jeter l’éponge.

–     C’est atroce, ce que tu dis-là, mon amour.

–     Ce qui est atroce, dans l’expérience de la mort, c’est qu’on ne peut la communiquer.

–     Tu aimerais savoir ce qui se passe après ?

–     Ce sixième acte est une invention spécialement écrite pour la télévision.

–     Plutôt pour la quiétude des croyants !

–     C’est bien ce que je dis.

–     Tu ne crois pas qu’il puisse y avoir quelque chose après ?

–     Crois-tu, déjà, qu’il y ait une vie avant la mort ?

–     Le spectacle de cette tragédie, au moins… Unique représentation !

–     Alors, comment te représentes-tu la mort ?

–     À mon sens, ça ressemble au passage d’une journée à l’autre, sauf que la mort, ce n’est pas le deuxième jour, mais bien plutôt la ligne.

–     Tu n’aimerais pas marcher sur ce fil, puis pouvoir sauter à nouveau du "bon" côté ?

–     Je voudrais tenir la main de quelqu’un qui marcherait sur ce fil.

–     Une communion ?

–     Un bain de sang !

–     Quelle barbarie…

–     Le sang est ce qui est de plus primitif, mais aussi de plus raffiné.

–     Tu trembles.

–     Ce n’est plus de la peur.

–     Tout ce qu’on se dit, là, rends-toi compte comme ça m’échauffe ! Ton sang qui palpite, chérie, me fait envie !

–     Calme-toi. Je t’aime.

–     Justement ! Tous les crimes sont passionnels.

Il l’embrasse en y mettant un peu les dents, puis continue de la mordre, plus fort, dans le cou, l’épaule, la tendre chair sous le bras…

–     Tu me tortures. Tu es cruel

–     La torture est un jeu. La cruauté n’est qu’un mot, inventé par nos scrupules.

Il descend le long du corps de la jeune femme, baisse d’un seul geste son pantalon et sa culotte de coton noir.

–     Non !

–     J’aime la couleur de ton sang qui claque, là, entre tes cuisses. Je sens ta vie qui crie, tremble, s’abandonne.

Et il la fait mourir de plaisir.

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4 novembre 2013

HERBERT

 

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Herbert était un rêveur. Herbert rêvait éveillé mais surtout, Herbert rêvait endormi. Car Herbert dormait beaucoup. Il rêvait de serpents enroulés autour des chaises, d’orchestres de tueurs, de marées entières de poissons extraordinaires, de jardins merveilleux féconds en cucurbitacées, d’envolées et d’éventrations…

 

- Tes rêves sont extraordinaires ! s’extasiait Marlyse.

- Bah ! Je fais les mêmes rêves que tout le monde, se dépréciait-il en se rendormant sur le champ.

 

Cependant, s’ils étaient sans doute de la même étoffe que ceux des autres humains, les rêves d’Herbert présentaient des couleurs et des nuances d’une variété chamarrée. C’est peut-être pour ça qu’il s’y complaisait tant et préférait son monde onirique à celui du réel, dans lequel il ne faisait des incursions que pour y puiser de la matière à recycler dans le rêve… Le matin – ou à tout autre moment qu’il utilisait pour se réveiller – il racontait ses rêves de la nuit – ou de la journée, s’il lui avait plu de dormir tout le jour – à Marlyse, qui dormait peu, rêvait ordinaire et travaillait dur pour assurer les revenus du ménage. Un midi – tapant - qu’il lui narrait ses songes du matin, Marlyse eut une illumination :

 

- Oui ! Tes rêves sont ceux de tout le monde ; ils jonglent avec les mêmes symboles mais les tiens sont éclaboussés de lumière !

- Comment le sais-tu ?

- Je le sais parce que cette lumière s’allume dans tes yeux lorsque tu m’en parles. Elle continue de briller en toi tout le temps que tu restes éveillé et c’est pour ça que je t’aime, mon Herbert.

- Alors, poursuivit-il, rêveur, je suis un allumeur de rêves ?

- Oui, tu es mon allumeur de rêves, Herbert !

 

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